Déjà vu ? #24 – Le ciel leur pèse sur le dos

Avec la rubrique Déjà vu ?, Comixity vous propose de retrouver des analyses détaillées de reprises de couvertures de comic-books ou encore de rechercher les modèles ayant servis d’inspiration à certaines d’entre elles.

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Le premier Hercule des comics… en France !

Hercule est sans aucun doute le héros antique le plus célèbre. Véritable modèle dont le nom est devenu un synonyme de la force surhumaine, le fils de Zeus est indubitablement une inspiration des super-héros modernes. L’anecdote est connue : lors de sa première traduction en langue française dans Le journal de Spirou #9 en 1939, Superman écope d’une traduction le présentant comme « Marc Hercule moderne »[1] ! Et côté traduction du nom, Hercule s’y connaît également puisque ce nom par lequel il est le plus connu est en fait la forme latine d’Héraclès, son nom grec… qui n’est même pas le premier selon certains mythes ! En effet, plusieurs versions le font naître sous le nom d’Alcide (du terme grec signifiant « force, vigueur ») avant qu’il ne se renomme Héraclès (« gloire d’Héra »), puisque c’est par les travaux imposés par sa divine belle-mère qu’il se forgera sa renommée[2].

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Hercule/Héraclès en costume face à un monstrueux ennemi : Cerbère. Amphore à figures noires et à figures rouges, vers 520-510 av. J.-C.

Des super-pouvoirs (une force et une résistance surhumains), un « nom de guerre » adopté suite à un traumatisme (le meurtre de sa femme et de ses enfants de ses propres mains, rendu fou par Héra), un costume et des armes reconnaissables (la peau du Lion de Némée, la massue ou encore l’arc et les flèches), une galerie de méchants avec une némésis (sa belle-mère Héra, même son cousin Eurysthée par qui elle fait passer ses ordres pourrait presque lui disputer la place), un apprenti (son neveu Iolas), un passage dans une équipe de surhommes (les Argonautes)… Hercule semble remplir la plupart des critères qui définissent la figure du super-héros !

De héros à super-héros

Il ne paraît donc pas surprenant que de nombreux comics aient fait intervenir le demi-dieu ; ceux produits par Marvel n’échappent évidemment pas à la règle puisqu’on y retrouve la version super-héroïque la plus populaire d’Hercule. Alors que Thor s’est imposé comme une tête d’affiche de la Maison des Idées dans les années 60 et qu’il a déjà confronté sa force aux poids lourds que sont Hulk ou la Chose, il n’était pas étonnant que Stan Lee et Jack Kirby finiraient par puiser dans les mythes gréco-romains pour offrir un challenge à sa taille au tonnant dieu nordique dans Journey into Mystery Annual #1 en 1965. Il ne s’agit pas de la première itération du héros chez Marvel[3] ni même d’une idée neuve pour le duo créatif qui avait déjà fait convoquer une version d’Hercule à opposer à Thor par le vilain Immortus dans Avengers #10[4], mais la sauce prendra assez avec cet Hercule pour qu’il continue d’apparaître chez le fils d’Odin avant d’intégrer les rangs des Avengers dont il devient le nouveau dieu de service.

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Après avoir affronté Hercule dans Avengers #10 en 1964, Thor rejoue le match en 1965 dans sa propre série… contre un autre Hercule qui restera pour de bons dans l’univers Marvel.
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Herc est dans la place !

Membre populaire mais sporadique de l’équipe des Plus Grands Héros du Monde, Hercule n’aura droit qu’à des mini-séries (dont les plus marquantes sont situées dans un futur possible) avant de recevoir enfin une série régulière à partir de 2007… et encore, il récupère le titre et la numérotation d’Incredible Hulk avec Incredible Hercules #112 ! Scénarisée par Greg Pak et Fred Van Lente, cette série profite de le crossover World War Hulk comme tremplin pour imposer le demi-dieu qui participe à l’événement et obtient la place de Hulk dans son propre titre, l’antihéros vert finissant pour quelques temps prisonnier de l’armée. Véritable pépite d’humour malheureusement passée inaperçue en France où seuls quelques arcs ont été publiés de manière éparse, cette série s’achève sur la mort d’Hercule que les mêmes scénaristes ressuscitent dans l’éphémère série Herc en 2011-2012[5]. Hercule vient de faire son retour aux États-Unis dans une série éponyme (Hercules du coup, puisqu’en anglais il se retrouve affublé d’un « s » à la fin de son nom) que l’on espère pleine d’action et d’humour malgré la polémique[6] qui en a découlé avant même la sortie du premier épisode… Mais c’est à son arrivée comme remplaçant de Hulk sur son propre titre en 2007 que s’intéresse cet article.

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Jim Steranko dans toute sa splendeur  (avec un peu de Marie Severin quand même).

La couverture d’Incredible Hercules #112 réalisée par Arthur Adams reprend en effet celle du Hulk King-Size Special #1[7] conçue par le légendaire Jim Steranko ! Du dessin (crayonnés comme encrage) à la couleur en passant par le lettrage, le célèbre artiste a réalisé intégralement cette illustration… si ce n’est la tête retouchée par Marie Severin à demande des responsables éditoriaux qui jugeaient que les veines et la sueur étaient « trop intenses » ! Non sans humour (et amertume ?), Jim Steranko a qualifié cette version de « tête de nounous » dans un message posté sur Twitter[8].

L’artiste a pu toutefois savourer sa revanche dès 1975 puisque le magasine anglais The Mighty World of Marvel avait choisi pour son cent-vingt-neuvième numéro d’utiliser sa représentation d’Hulk sans aucune altération du visage. Des modifications y sont tout de même visibles puisque le fond ainsi que le titre ont changé et que l’inscription aux pieds du géant de jade n’indique plus un affrontement avec les Inhumains mais un certain Inheritor ; ce changement de programme vient du contenu de la revue qui ne proposait pas Hulk King-Size Special #1 mais le numéro 149 de la série régulière où est apparu ce vilain.

L’anecdote du changement de visage n’a pas dû échapper aux auteurs d’Incredible Hercules puisque la mention « avec nos excuses pour Jim Steranko » figure subtilement sur la réalisation d’Arthur Adams, ce qui s’inscrit totalement dans le ton fortement humoristique de leur série.

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A gauche la première couverture sortie, à droit la première reprise… qui est est en fait l’image originale !

Mythe fondateur

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J.M. Félix Magdalena, Atlas Pasa a Heracles la Esfera Celeste, 2011.

Ce dessinateur est loin d’être le premier à reprendre l’œuvre de Steranko passé depuis bien longtemps dans l’imaginaire collectif des amateurs de comic-books. Toutefois, il paraît logique de commencer par cette reprise puisqu’elle s’inspire d’un épisode très connu des Douze Travaux : la rencontre d’Hercule avec Atlas.

Lorsque l’on voit Hulk, cet être gigantesque à la force quasi-divine, porter son nom comme tombé des cieux ou bien une montagne dépassant le cadre de la couverture, comment en effet ne pas penser aux représentations du titan Atlas condamné par Zeus à porter le ciel à la seule force de ses épaules ? Hercule le rencontre alors qu’il doit cueillir les pommes d’or du Jardin des Hespérides, un endroit fabuleux qui tient son nom des filles d’Atlas qui le gardent aux côté de Ladon, un dragon à cent têtes.  Le Titan propose au demi-dieu d’échanger sa place quelques heures afin de faciliter au héros l’acquisition des pommes merveilleuses. De retour de son mission, Atlas se montre récalcitrant à retrouver sa place, forçant Hercule à ruser pour retrouver sa liberté[9].

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Atlas Farnèse, actuellement conservé au Musée archéologique national de Naples.

Cet épisode très fameux des exploits d’Hercule a été représenté sous de nombreuses formes dans l’Antiquité. Pour les sculptures, il était de coutume de dépeindre la voûte céleste soutenue par le Titan comme un globe sur lequel les astres et les constellations étaient représentés. L’exemple le plus célèbre reste l’Atlas Farnèse, une statue romaine en marbre du IIème s. de Notre Ère reprenant très certainement une sculpture grecque d’après son style (la reprise d’images ne datent pas des comics !). Il s’agit de la plus ancienne statue représentant le supplice du Titan qui nous soit parvenue et qui aura su inspirer bon nombre d’œuvres d’art du XVIème s., date à laquelle le cardinal Farnèse l’acquiert et l’expose à la villa Farnèse en Italie. Aujourd’hui encore l’iconographie qui en a découlée se retrouve dans des œuvres comme la célèbre statue de style Art Déco de Lee Lawrie installée devant le Rockfeller Center. De cette représentation a découlé une mauvaise interprétation très courante aujourd’hui: le Titan passe à présent souvent de porteur du ciel à celui de la Terre ! L’usage depuis la Renaissance du terme « atlas » pour désigner les cartes du monde a très certainement aidée à cette confusion.

La réinvention perpétuelle du mythe

De taille supérieure à la normale et d’une force quasiment inégalée, Hulk est un candidat idéal pour interpréter un Atlas moderne. Mais la force de la couverture du Hulk King-Size Special#1 réside surtout dans l’écho qu’elle renvoie à la condition du géant vert : personnage tragique des comics par excellence, Hulk est à la fois écrasé par sa condition de monstre aux yeux des humains qu’il protège et un poids pour son alter-ego Bruce Banner qui vit avec en lui un être au potentiel destructeur incommensurable sur lequel il n’a pas prise. De par son impact visuel et sa symbolique forte, il n’est donc pas étonnant que cette couverture ait reprise de nombreuses fois.

164fc090-1514-4930-bdd7-3297366ecfe6Exception faite du cas de The Mighty World of Marvel #129, il faut attendre 1993 pour voir à nouveau un personnage porter dans la même posture. S’il a la peau verte, il n’est pourtant pas de la famille d’Hulk puisqu’il s’agit de Donatello sur la couverture de Teenage Mutant Ninja Turtles Adventures #40 conçue par Peter Laird et Ryan Brown pour le compte de Mirage Comics. La principale différence avec l’image originale est qu’ici la plus intelligente des Tortues Ninja ne porte pas le titre de la série mais la date 1492, l’épisode traitant d’un voyage dans le temps à l’époque de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.

dfdeb059-bb2e-4cfb-b9a4-f6371005f7d5Si la couverture suivante met en scène un personnage Marvel ce n’est pas pour autant une production de cet éditeur puisqu’il s’agit du magazine Wizard qui pour son numéro 82 de juin 1998 a invité Sean Chen et Eric Cannon à représenter Iron Man ; le premier est le dessinateur attitré du Vengeur doré à cette époque tandis que le second l’assiste comme encreur sur certains numéros. Ce n’est pas le ciel qui écrase le héros ici mais les murs qui se referment sur lui, l’obligeant à prendre une posture similaire à celle de Hulk.

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Le retour (aux sources) du monstre !

On revient enfin aux sources en 2002 avec la couverture d’Incredible Hulk #34 (la numérotation a repris à zéro avec ce second volume) signée Kaare Andrews. Ce numéro marque l’arrivée de Bruce Jones sur le titre qui trouve alors un nouveau souffle avec l’arc « Return of the Monster ». L’imitation se retrouve ici également dans la typographie puisqu’on retrouve le titre de l’arc aux pieds du géant de jade de la même manière que l’originale annonçait le combat contre les Inhumains ; la substitution de terme « inhumain » par celui de « monstre » peut d’ailleurs être vu comme une marque subtile de filiation entre les deux couvertures.

c63f83bc-5a45-4a16-9765-70df68ab79f7Une reprise bien originale est effectuée en janvier 2008, soit le mois précédent la parution d’Incredible Hercules #121, par Dave Simons. Réalisée dans le cadre du Hulk 100 Project organisé par The Hero Initiative[10], celle-ci voit un hulk en position du poirier soutenir son logo avec les pieds ! Si le détournement est résolument humoristique, l’artiste pousse tout de même l’hommage jusqu’à copier l’expression du visage tel que voulu par Steranko ou encore à placer une déchirure similaire du fameux pantalon mauve sur la cuisse.

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Le créateur mythique illustre le héros mythologique !

Hercule ne se contente pas d’être à l’honneur sur la couverture suivante qui a déjà été évoquée au début de l’article puisqu’un autre détournement de l’illustration de Jim Steranko met en scène une itération du demi-dieu en juin 2008… sous les crayons de Steranko pour une mini-série de Radical Comics ! Le dessinateur réalise en effet une couverture alternative pour Hercules: The Thracian Wars #2 qui s’inspire ouvertement de son travail passé. Difficile de dire s’il s’agit d’un pied de nez envers la reprise faite chez Marvel quelques mois plus tôt, la relative proximité entre leurs sorties la même année (janvier chez Marvel, juin chez Radical) laissant plané le doute, les délais entre la création d’un comic-book et sa sortie pouvant être délayée sur plusieurs mois. Qu’il s’agisse d’un hasard heureux ou d’un tacle artistique, le lecteur amateur de mythologie sort gagnant dans tous les cas.

Cable_Vol_2_9Dès l’année suivante on remet les couverts chez Marvel quand Ariel Olivetti se réapproprie l’œuvre de Steranko à l’occasion de Cable #9. Le soldat mutant du futur n’est pas seul sur la couverture puisqu’il y est accompagné de sa fille adoptive Hope qu’il protège du titre leur tombant dessus. Cette petite variation fait écho aux propos de cette série qui voyait Cable voyager dans le temps pour protéger la petite mutante considérée comme le messie de leur race de nombreux dangers leur tombant littéralement dessus à chaque épisode.

FEB092437._SX640_QL80_TTD_Toujours en 2009, un autre hommage à lieu chez la concurrence avec un changement de poids dans le format : la couverture de Johnny Monster #3 voit en effet son héros éponyme lutter contre la masse d’un pied de monstre géant essayant de l’écraser en lieu et place du titre de la série ! On retrouve par contre un arrière-plan en flammes rappelant l’œuvre originale. Jason Ho est aux crayons pour la couverture issue de cette mini-série en trois parties publiée par Image dans son sous-label Shadowline qui voyait le jeune Johnny combattre des créatures de tailles titanesques.

93c8e8eb-d0f5-4e75-8105-59a3c419e3c0Incredible Hercules ne tarde pas à faire à nouveau référence à Hulk King-Size Special #1 via la couverture alternative du #141. Réalisée par Michael Avon Oeming, elle s’inscrit dans une série de couvertures dédiées à Deadpool qui vient ici perturber à sa manière très personnel le divin super-héros occupé à porter le monde sur ses épaules, marquant le premier usage du mythe erroné d’Atlas chez Marvel.

X-23_9On reste dans le registre des variant covers chez la même maison d’édition pour la suite avec celle de de X-23 #9 réalisée en 2011 par nul autre que… Jim Steranko ! L’artiste s’auto-référence à nouveau dans une illustration qui s’inscrit dans le cadre de l’opération Thor Goes Hollywood qui voyait le dieu nordique du tonnerre se taper l’incruste sur le devant de vingt séries en rendant hommage à des classiques du cinéma afin de promouvoir la sortie de son premier film sur les écrans. Steranko s’attaque au monstre sacré King Kong qui essaie d’écraser Thor avec son pied dans une démarche qui rappelle furieusement celle de Johnny Monster #3.

JAN121063_1._SX640_QL80_TTD_Le terme de monstre sacré s’applique au dessinateur suivant puisque le très populaire Alex Ross s’est lui aussi attaqué à reprendre Jim Steranko en 2012 pour la couverture de Kirby: Genesis – Silver Star #5 ! Cette mini-série s’inscrit dans le cadre de la maxi-série Kirby: Genesis parue chez Dynamite en 2011-2012 qui voyait des créations de Jack Kirby dont il avait gardé les droits tel Silver Star être réunis. Vu la place des mythes dans l’œuvre du « King of comics » (en témoigne les créations de Thor et Hercule !), ce n’est que justice que de référencer le supplice d’Atlas dans un comic-book lui rendant hommage.

En 2013 un nouvel hommage émerge chez Image avec la couverture de Spawn #229 réalisée par Todd McFarlane. Cette image est un véritable retour aux fondamentaux puisqu’outre le titre écrasant et le décor en flammes on assiste au retour de la phrase aux pieds du héros si ce n’est que les humains ont pris la place des inhumains ! À noter qu’une version en noir et blanc de l’illustration a également été commercialisée, tout comme pour la couverture suivante sortie la même année.

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Enfin, il s’agit plutôt d’une version crayonnée publiée en parallèle de la version colorisée faisant partie d’une série de dix-neuf couvertures alternatives réalisées par Leonel Castellani et mettant en scène des héros Marvel sous forme de Lego ! Celle qui nous intéresse ici a servi pour Indestructible Hulk #14 et reprend assez fidèlement son modèle.

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5081147b-8afa-4307-a2b0-523d5f76ece8Couverture alternative pour une série consacrée à Hulk (Hulk #8 sorti en janvier 2015) à nouveau pour la suivante, sauf que cette fois-ci c’est Rocket Raccoon qui prend la pose en supportant de toutes ses forces le poids exercé par la tête de Groot dont les branches forment le titre de la série ! Très originale, cette image façonnée par Tom Fowler appartient elle aussi à une série qui avait cette fois-ci pour thème le duo gagnant des Gardiens de la Galaxie.

Bucky_Barnes_Winter_Soldier_Vol_1_9Notre panorama s’achève avec une publication qui n’implique Hulk ni dans ni sur le comic-book avec Bucky Barnes: Winter Soldier #9. Michael Del Mundo met en scène le nouveau rôle de protecteur discret de l’ensemble de la Terre l’ancien sidekick de Captain America avec originalité puisque Bucky doit supporter le poids d’une planète désolée et marquée d’impacts sur lequel l’antagoniste du numéro, Loki, est juché. Au-delà de toute dimension d’hommage, la couverture reflète l’histoire de l’épisode où il est question de pistolet pouvant menacée une planète entière.

Les reprises thématiques

À côté de ces très nombreux hommages assumés à Jim Steranko deux couvertures se distinguent. En effet, si elles ne reprennent pas directement Hulk King-Size Special #1 elles renvoient par contre directement au mythe d’Atlas.

La couverture de Bob Layton pour Secret Wars #4 est un peu un entre-deux. Ce chapitre de l’évènement de 1984 montre le géant vert protéger ses collègues super-héroïques en portant le poids du monde sur ses épaules (enfin, « juste » une montagne !). Si le jeu sur le titre n’est pas là la couverture pourrait être vue comme une version « de face » de celle de Steranko mais rien ne permet d’infirmer ou de confirmer la filiation, seul le lien avec Atlas est ici indéniable.

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Pour avoir une vraie version « de face » de la célèbre couverture, on pourrait se tourner à nouveau vers le recueil du Hulk 100 Project. Le vétéran Herb Trimp semble s’y être amusé à croquer sous un autre angle le géant de jade, non sans ajouter dans un coin Wolverine avec le look qu’il lui avait imaginé pour sa première apparition dans la dernière case d’Incredible Hulk #180 … sauf qu’il s’agit également d’une reprise de sa propre couverture d’Incredible Hulk King-Size Special#2 sorti en 1969 ! Une couverture hybride foisonnant de références en somme.

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Et si deux couvertures d’Hulk avaient eu un enfant ? Le scan de la troisième image provient de https://hulkcollection.wordpress.com/tag/hulk-100-project/
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Atlas, le seul, l’unique, dans Incredible Hercules !

Si plusieurs personnages ont adopté chez Marvel ont pu prendre le nom du Titan comme pseudonyme, il ne fera lui-même quelques rares apparitions – et souvent sous forme de flashbacks – dans des récits impliquant Hercule. La plus notable reste leur confrontation dans Incredible Hercules #124 dont la couverture signée Bob Layton (encore lui !) n’est pas sans évoquer l’image non pas d’Atlas mais d’Hercule soutenant la voûte céleste ! Cette fois-ci aucune filiation directe ne peut être faite avec Hulk King-Size Special #1 avec cette représentation relativement atypique puisqu’ici le demi-dieu soutient la main d’Atlas provenant du ciel (ce qui est toujours plus glamour que Thor écrasé par le pied velu d’un singe gigantesque).

Un géant de la culture populaire ?

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Non, ce n’est pas le logo des studios Universal !

Avant de conclure il faut noter que si la figure d’Atlas a eu un impact sur ces couvertures, le Titan avait marqué Marvel Comics avant même que ce nom ne soit connu ! Née dans les années sous le nom de Timely Comics, la maison d’édition de Captain America, Namor et des autres super-héros Marvel de l’âge d’or des comic-books s’est ensuite appelé Atlas Comics de 1951 à 1957 ! Le logo de l’entreprise reprend d’ailleurs un globe[11](terrestre semble-t-il, la confusion se poursuit inexorablement à travers le temps) pour appuyer la référence.

Le fait que toutes ces couvertures – dont trois pour Incredible Hercules sur une période de douze mois – référencent ainsi le supplice d’Atlas témoigne sans doute de la place prise par cette figure dans l’imaginaire collectif. Et finalement, quelle plus belle preuve de l’impossible réalisable par les super-héros que de porter le ciel sur ses épaules ?

Ainsi s’achève notre vingt-quatrième numéro de Déjà vu ?! N’hésitez pas à réagir sur l’article à travers les commentaires dans lesquels vous pouvez également laisser des suggestions pour les prochaines couvertures à traiter !

[1] Le « Marc » désigne son identité civile qui passe de Clark Kent à  Marc Costa ! Superman paraît à la même époque en France dans le magazine Aventures où on lui préfère le nom plus exotique de « Yordi »…  Il faudra attendre 1945 pour que tout rentre dans l’ordre et que Clark Kent soit Superman pour de bon aux yeux des lecteurs francophones.

[2] Petit rappel mythologique : Hercule/Héraclès est l’un des multiples enfants illégitimes de Zeus, le roi des dieux aimant fréquemment fricoter avec des mortelles au grand dam de sa compagne officielle Héra dont le passe-temps favori consiste à torturer la plupart de ces demi-dieux qui n’en demandaient pas tant. Après avoir rendu Hercule/Héraclès fou au point de tuer sa femme et ses enfants, elle lui ordonne via l’oracle de Delphes de se mettre au service de son cousin Eurysthée pour qui il réalisera ses Douze Travaux.

[3] Au moins deux Hercule à la carrière très éphémère apparaissent en 1940 chez Timely Comics, « l’ancêtre » de Marvel : l’un dans les numéros 3 et 4 de Mystic Comics parus en juin et août, l’autre sous les traits de Marvel Boy (également le premier d’un longue liste de personnages partageant un même nom), une réincarnation du demi-dieu apparue uniquement en septembre dans Daring Mystery Comics #6. À noter également que Captain America est présenté comme une réincarnation d’Hercule en 1944 dans Captain America Comics #38 !

[4] Il faudra attendre la maxi-série Avengers Forever de Kurt Busiek, Roger Stern et Carlos Pacheco parue en 1999 pour revoir cette itération du demi-dieu qui sera révélée dans le huitième numéro comme étant un Space Phantom, un extra-terrestre métamorphe travaillant pour Immortus.

[5] Du Hercule de Greg Pak et Fred Van Lente n’aura été publié en France que ses débuts officieux dans Incredible Hulk durant World Ward Hulk (6 épisodes), les quatre épisodes liés à Secret Invasion publiés dans le second Marvel Monster traitant de cet event, le épisodes #127-128 dans le troisième Marvel Monster consacré à Dark Reign  et les quatre derniers (l’arc où il part à l’assaut de l’Olympe) dans Marvel Saga #17. Vingt épisodes d’Incredible Hercules ont été en tout laissés sur le carreau tout comme le diptyque Hercules: Fall Of An Avenger, la mini-série Prince of Power et la série Herc qui ont suivi.

[6] Le responsable éditorial en chef Axel Alonso a en effet affirmé qu’Hercule sera hétérosexuel sans aucune ambiguïté alors que le goût du demi-dieu pour les deux sexes avait été très fortement suggéré dans la mini-série Fall of an Avenger qu’il avait eu des rapports avec le mutant Northstar. Si rien n’avait jamais suggéré qu’Hercule ait eu des rapports charnels avec des hommes dans l’univers Marvel (et une anecdote sur son refus des avances faites par Alexandre rapportée dans Hercules: The New Labors #1 impliquait en 2005 que cela ne l’intéressait pas), Hercule jouit d’une galerie de partenaires des deux sexes dans les mythes.

[7] Cette série de numéros spéciaux sera renommée Incredible Hulk King-Size Special pour les deux numéros suivants puis Incredible Hulk Special pour le quatrième avant de devenir les annuals d’Incredible Hulk à partir du #5.

[8] https://twitter.com/iamsteranko/status/429406126925307904

[9] Les mythes proposent plusieurs solutions assez proches au problème : se plaignant d’un mal de dos, Hercule demande à Atlas de lui montrer comment porter plus efficacement le ciel ou de le remplacer le temps de se tricoter un coussin pour ses épaules !

[10] Créée en 2000, l’association The Hero Initiative vient en aide aux créateurs de comics dans le besoin. Elle organise chaque année depuis 2007 un 100 Project : cent artistes reconnus du milieu créent une couverture pour un épisode d’une des grandes maisons d’édition américaines. Conjointement à ces pièces uniques, un recueil regroupant toutes les couvertures est ensuite édité. Le premier numéro du second volume de Hulk lancé en janvier 2008 a été le deuxième comic-book concerné par cette opération dont les revenus sont reversés aux créateurs dans le besoin.

[11] Ce ne sera toutefois plus le cas lorsque Martin Goodman (dirigent éditorial de Timely Comics, Atlas Comics et enfin Marvel Comics jusqu’en 1972) lancera en 1974 une éphémère nouvelle maison d’édition du nom d’Atlas/Seabord qui s’est arrêtée dès 1975 : son logo était un A stylisé n’ayant aucun lien de près ou de loin avec le mythe du Titan.

A propos Marti 142 Articles
Lecteur assidu de comics et grand amateur de séries TV comme de cinéma, maître-nageur pour poneys à ses heures perdues.

2 Comments

  1. Bravo Marti !
    Une synthèse maîtrisée et érudite de la culture antique et populaire. Je n’aurais jamais imaginé que Steranko et Severin avait été autant déclinés avec plus ou moins de bonheur, il faut dire.
    Il y aurait un article à écrire sur le jeu du lettrage dans les titres Marvel, ce Hulk effrité étant effectivement une pure merveille.

  2. Merci !
    Pour la petite histoire, l’article était prêt à publier une semaine plus tôt et lors d’un dernier tour de recherche durant la dernière relecture je me suis rendu compte que j’étais passé à côté d’un tas de couvertures ! Autant dire que la réécriture dans l’urgence a été fastidieuse.

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