Bonjour à tous et bienvenue dans cette deuxième et dernière partie de cette review sur X-Men : Animated Serie. Dans la première partie, nous avons abordé les origines de cette oeuvre, et avons conclu en nous demandant si la série japonaise n’était pas bridée (ah ah) par un manque d’originalité l’empêchant de se démarquer des autres animés sur les X-Men. Dans cette seconde partie, nous verrons qu’au contraire, la série sait cultiver sa différence en redonnant du sens au mot “mutant”. Bonne lecture !
Un point fulgurant
S’il est indéniable que X-Men : Animated Serie s’est inspirées d’histoires assez récentes lues dans les comic-books et des précédents animés sur les X-Men, elle cherche en même temps à se démarquer du reste de la production sur le thème mutant. Et dès ces premiers épisodes, on sent que les studios Madhouse ont réfléchi à la façon d’aborder ce sujet maintes fois traité, pour en faire une oeuvre inédite, sans pour autant renier ses origines. On sait que les japonais sont maîtres dans l’art d’allier le passé au présent, de mélanger le traditionnel et le moderne : c’est exactement à la même formule qu’ils vont s’essayer avec ce nouvel animé, et ce de plusieurs manières. La première, puisqu’il s’agit d’une production japonaise, sera de baser l’intrigue principale de la série au Japon. Or, si les X-Men on une vocation d’équipe internationale, il n’existe que peu d’histoires se déroulant sur l’île nippone, et peu de mutants japonais ayant fait partie de l’équipe. Un ancien personnage, Sunfire, fera pourtant une apparition remarquable dans les comics-books, mais hormis sa participation à la deuxième mouture des X-Men en 1975, son intérêt sera si mineur qu’il sera bien vite abandonné par les scénaristes. C’est du côté de Wolverine, dont une partie des aventures s’est déroulée au Japon, que l’affiliation avec des personnages nippon est la plus forte, mais une fois encore cette possibilité n’est même pas évoquée ici, sans doute pour explorer cette piste dans l’animé dédié au personnage seul. N’y a-t-il donc aucun personnage qui répondrait parfaitement aux critères ?
Il faut donc un personnage national fort et moderne pour rejoindre le casting des X-Men et ce personnage, nous l’avons vu, va être trouvé par Madhouse dans les comics de Whedon et Cassaday dans Astonishing X-Men. Outre le fait de n’avoir jamais été utilisé dans les autres séries animées, la jeune japonaise Hisako Ichiki, nom de code Armor, a d’ailleurs tout pour plaire à un jeune public. Son pouvoir mutant est de matérialiser une armure d’énergie autour d’elle – armure à l’aspect de robot kawaï, rappelant sans mal d’autres oeuvres nippones sur le thème d’humains investissant une armure de robot. On citera bien sûr Goldorak, mais surtout Astroboy d’ Osamu Tezuka, esprit d’un petit garçon enfermé dans un corps de robot. Ces deux mangas ont d’ailleurs été adaptés en animés). Ce personnage, à la fois résolument moderne et descendant d’une certaine culture traditionnelle japonaise, est donc un choix parfait pour rejoindre le groupe. Au pays où les robots font aujourd’hui partie du quotidien, sa présence dans l’animé est plus logique que toute autre icône mutante nationale, telle que Sunfire ou le Samouraï d’Argent, personnages aux valeurs démodées et qui n’ont pas l’avantage d’être jeunes. C’est donc tout naturellement que la petite Hisako deviendra la nouvelle élève de l’institut du professeur Xavier, permettant la renaissance de l’école, et qu’elle incorporera l’équipe des X-Men, témoin d’un passage de flambeau entre générations.
Le Mal du pays
Mais là n’est pas la seule particularité japonaise abordée dans cet animé, et maintenant que l’intégration d’un personnage japonais a été légitimé, la spécificité de la série doit aussi passer par l’originalité des thèmes abordés. Or, comment aborder le thème de la mutation de manière originale lorsque l’intrigue se passe au Japon ? Il conviendrait mieux de se demander comment ne pas aborder le thème de la mutation, non pas comme un prétexte, mais bien comme une préoccupation majeure. En effet, dans la bande dessinée, si la mutation a fait dans un premier temps le succès de la série, elle était surtout un moyen génial trouvé par Stan Lee pour doter des personnes de pouvoirs non plus de manière accidentelle, mais de manière naturelle. Au contraire des Quatre Fantastiques par exemple qui avaient subit les effets de radiations solaires modifiant ainsi leur patrimoine génétique pour leur conférer des super-pouvoirs, la particularité des X-Men et des mutants Marvel en général était directement inscrite dans leur patrimoine génétique. Et si l’ère atomique avait grandement avancé le processus, la mutation même est traitée à l’époque comme une évolution naturelle de la race humaine, l’homo superior étant amené à remplacer à terme l’homo sapiens. La question de la mutanité était dès lors reléguée à n’être qu’un ressort scénaristique de plus, au mieux utilisée comme métaphore de la ségrégation et du racisme, deux maux qui n’ont jamais cessé de toucher notre société. Or, pour le Japon d’après guerre, cette thématique de la mutanité va avoir un autre sens, totalement différent mais tout aussi lourd, et dont on peut observer les conséquences jusque dans l’animé qui nous concerne aujourd’hui.
Dans le deuxième épisode, les X-Men lancés à la recherche des mutants disparus, vont découvrir un hôpital abandonné servant de laboratoire clandestin pour mener des expériences sur des cobayes humains artificiellement mutés. Bientôt, une des victimes de ces expériences arrive à leur rencontre, et ne pouvant contrôler sa mutation, engage le combat contre son gré. Cet être hybride, mi-humain mi-mutant et au physique déformé à outrance, semblera peut-être étrangement familier aux habitués de culture nippone. On peut en effet retrouver dans ce personnage au physique démesurément hypertrophié, un écho aux images d’oeuvres cultes tels qu’Akira, pour n’en citer qu’une, mais aussi de nombreux autres mangas et japanimés où les humains se retrouvent mutés, déformés à en perdre justement leur humanité. Ce thème, on le retrouve régulièrement dans les oeuvres japonaises, depuis les évènements tragiques survenus à Hiroshima à Nagasaki. On connaît le sentiment de fascination qui lie le peuple japonais à cette condition d’êtres mutés accidentellement ou non, et qui ont engendré dans l’imaginaire collectif nippon toutes sortes de créatures aux traits plus ou moins animaliers, humains cyborgs. Les catastrophes nucléaires du siècle dernier, qui ont traumatisé plusieurs générations de japonais et dont les séquelles sont encore visibles aujourd’hui à travers leur culture populaire, trouvent une fois de plus écho dans l’animé qui nous concerne aujourd’hui. Comme si le Japon, ne pouvant se débarrasser de ses fantômes, essayait de les exorciser autrement, entre autre moyen par le biais de l’art. Mais si le thème de la mutation “accidentelle” passée est abordé une nouvelle fois ici dans le cadre de X-Men, Animated Serie, les épisodes suivants posent aussi la question des mutations futures. Ainsi, dans le quatrième épisode, Emma Frost subit sa seconde mutation, et se transforme temporairement en diamant. Si cette nouvelle mutation semble s’être bien passée, ce n’est pas toujours le cas, et un nouvel adversaire va bientôt faire son apparition, tout en venant souligner ce point. Les X-Men se penchent sur son cas et diagnostiquent en lui le Syndrome de “Haller”. Cette maladie qui se produit quand la seconde mutation se développe de manière incontrôlée, détruit alors le corps et l’esprit de l’hôte mutant. Seul un vaccin peut empêcher le syndrome de se déclarer.
Une fois de plus, le sujet abordé ici pose une question non plus seulement fictive, mais réelle. Que les premières mutations soient de nature “accidentelles” ou naturelles, on cette seconde mutation, quant à elle, peut-être perçue comme leur conséquence directe, avec une issues plus ou moins favorable. En extrapolant, on peut se demander quelles sont les séquelles des mutations accidentelles dans le monde réel, et comment les victimes peuvent-elle y survivre. Si dans notre monde, les mutants difformes sont les victimes directes des bombardements nucléaires (qu’ils soient d’origine du Japon ou de Tchernobyl), les secondes mutations ne sont-elles pas les cancers1 et autres maladies qui touchent les victimes suite à ces accidents, et ce sur plusieurs générations ? On sait aujourd’hui que les descendants des personnes touchées par la radioactivité, présentent des malformations physiques et autres dégénérescences génétiques. L’aboutissement final de cette problématique est donc de savoir ce qu’on peut y faire. Car si les X-Men sont ici présents pour administrer un vaccin et des soins appropriés, dans la réalité, il n’existe pas de remède aux maladies issues d’exposition prolongée à la radioactivité. Ce quatrième épisode vient donc conclure le story arc de manière intéressante, en suggérant que la mutation n’est pas qu’un phénomène naturel, mais peut aussi être considéré comme une maladie. Le lien est clairement fait ici entre les mutants du monde Marvel et les “mutants” du monde réel, victimes pour la plupart d’altérations physiques irréversibles et douloureuses, voire mortelles. Si le sujet a aussi été récemment abordé en comics dans l’arc d’Astonishing X-Men intitulé Exogenetic, écrit par Warren Ellis2 et dessiné par Phil Jimenez, bouclant ainsi la boucle, il permet à la série animée de parler d’un thème fort et ayant une résonance particulière au niveau national. X-Men : Animated Serie se démarque ainsi fortement des autres productions animées consacrées aux mutants, dotant la série à la fois d’une identité propre, et d’une problématique réellement intéressante.
Conclusion
Au visionnage de ces quatre premiers épisodes, que doit-on espérer de X-Men : Animated Serie ? Bien que s’appuyant sur des origines connues, basant ses personnages et ses scénarios sur ceux des comics et des précédentes séries animées, la nouvelle adaptation des studios Madhouse semble vouloir se démarquer du reste de la production en donnant à la série une conception typiquement japonaise de ce qu’est la condition mutante. On peut donc s’attendre dans les futurs épisodes, à voir resurgir des êtres hybrides au physique monstrueux, plus tout à fait humains, mais pas tout à fait mutants non plus, et entendre reparler des effets nocifs de la seconde mutation. Espérons que la série continuera d’aborder ces thèmes de manière argumentée, plutôt que de nous présenter une flopée de monstres juste pour le plaisir, sans aucune réflexion sous-jacente.
Mais d’autres indices nous permettent d’envisager que nous pourrions aussi arriver prochainement en territoire inconnu au niveau du scénario. La première et la plus importante de ces indications nous vient de l’identité même des vilains aperçus au cours de ce premier arc, qui pourraient au final s’avérer être les archennemis de la série, tout comme Magnéto a longtemps été le vilain récurrent des X-Men version papier. Ces méchants, dont on ne sait pas grand-chose, ont fait plusieurs apparitions lors du deuxième et du troisième épisode. Pourtant, leurs noms ne sont jamais cités, et leur physique ne semble faire référence à aucun antagoniste connu de l’univers des X-Men (à ma connaissance). Peut-être s’agit-il tout simplement de nouveaux personnages créés spécialement pour la série, seul l’avenir nous le dira.
Enfin, le flash-back du premier épisode a laissé lui aussi quantité de questions sans réponses, notamment sur les vilains qui y apparaissent. On a pu en effet y apercevoir une partie des visages des assaillants des X-Men, mais si les dialogues de la scène nous laissent entendre que ces silhouettes appartiendraient aux membres du fameux Cercle Intérieur, leurs visages n’ont jamais été entièrement dévoilés. On ne sait donc pas s’il s’agissait bien de Sebastian Shaw et de ses sbires, allant dans la continuité du comic-book, ou d’autres personnes encore inconnues. La question reste ouverte : reverrons-nous ces antagonistes dans les futurs épisodes, et si oui, replongerons-nous dans le passé de cette scène matricielle ? Il serait en tout cas intéressant d’y revenir dans de futurs épisodes, car la scène ne semble pas avoir livré tous ses secrets.
Quelle est la vraie menace de la série ? Les méchants vus dans le flashback ou ceux vus au cours des épisodes suivants ? Et dans tous les cas, ne seraient-ils pas eux aussi manipulés par une force supérieure ? C’est ce que semble suggérer le générique de fin de l’animé qui nous dévoile le design de personnages n’étant pas encore apparus dans la série : outre des ennemis de second plan comme Mystique ou le Fléau, on peut aussi y apercevoir des menaces plus sérieuses, comme Magnéto ou Stryfe. Ce dernier personnage serait intéressant, car l’on sait quelle menace se cache derrière le double maléfique de Cable.
Encore une fois, seul l’avenir et le succès de la série, assurant la production ou non de nouvelles saisons, nous permettront d’avoir les réponses aux questions posées dans une série pleine de mystères…
1 Un cancer peut être défini comme la mutation d’une cellule malade qui va se diviser et proliférer à infini au lieu de mourir.
2 Le scénariste a d’ailleurs été approché par les studios Madhouse en tant que consultant sur les séries Marvel adaptées.
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